Me. Sonet SAINT-LOUIS analyse le mandat de Jovenel MOÏSE.

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Lundi 8 Juin 2020 – Le P’tit Journal.

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Par Samuel JOSEPH

 

Avocat, Professeur des Universités haïtiennes et Doctorant en Droit à l’Université du Québec à Montréal (UQUAM).

Maître Sonet SAINT-LOUIS s’est donné le soin d’analyser cette épineuse question relative à la date de la fin du mandat de Jovenel MOÏSE qui suscite de grands débats tant qu’en Haïti et ailleurs.

 

À travers son texte publié ci-dessous, le Professeur des Universités haïtiennes a pris en compte, à la fois, les considérations politiques et juridiques pour éclairer les internautes à ce sujet qui fait la « Une » dans les médias et à travers les réseaux sociaux.

 

En conséquence, la rédaction de l’agence de presse en ligne « Le P’tit Journal » vous invite à lire de façon intégrale le texte du Doctorant Sonet SAINT-LOUIS consacré au temps présidentiel en Haïti.

 

 

En Haïti, depuis quelques semaines, le débat sur le début et la fin du mandat du président Jovenel Moise fait rage dans l’opinion publique. Invité par ses étudiants en sciences juridiques à se prononcer sur le sujet, le juriste chevronné Me Sonet Saint-Louis apporte ici un éclairage sur ce sujet houleux, à la lumière de la Constitution de 1987 amendée._

 

L’article 134-2 qui provoque le débat sur le début et la fin du mandat présidentiel en Haïti se lit comme suit : « L’élection présidentielle a lieu le dernier dimanche d’octobre de la cinquième année du mandat présidentiel ». Ce qui signifie que le Président élu entre en fonction le 7 février suivant la date de son élection. Au cas où le scrutin ne peut avoir lieu avant le 7 février, le Président élu prend fonction immédiatement après la validation du scrutin et son mandat est censé avoir commencé le 7 février de l’année de l’élection.

 

Tout le monde se concentre sur l’article 134-2 mais l’article 284-2 de la Constitution qui ne traite que la procédure d’amendement de la Constitution donne une réponse définitive et sans équivoque sur la fin du mandat présidentiel. Une observation fondamentale de cette disposition nous permet de voir que la mise en œuvre de l’amendement associe le temps législatif et le temps présidentiel. La législature dure quatre ans et le mandat du président est de cinq ans. La Constitution ne tient pas compte des impondérables qui fragilisent la durée du temps présidentiel ou législatif. Le mandat du président prend fin une année après la fin d’une législature et dans cette année qui a vu débuter une autre. Ce qui fait que la procédure d’amendement s’étend sur deux législatures, mais chevauche deux mandats présidentiels successifs. (Dr Mirlande H. Manigat, Les amendements dans l’histoire constitutionnelle d’Haïti).

 

N’oublions pas que la durée du mandat des députés forme une législature. On ne peut pas parler de législature pour identifier les sénateurs vu que le Sénat siège en permanence (art 95-1) et se renouvelle par tiers tous les deux ans (art 93-3). Il est constitutionnellement impropre de dire « un sénateur de telle législature ». La permanence du Sénat s’explique par la législature qui s’étend sur une durée de quatre ans. (art 92-2). Le Sénat fonctionne en permanence tandis que le temps d’activités de la Chambre des députés est divisée en sessions ordinaires et extraordinaires (art 92-2).

 

Les dessous de l’article 134-2

 

Il faut comprendre que l’article 134-2 a subi une transformation suite à l’amendement de la Constitution en 2011. Dans la mesure où tout amendement crée de nouveaux principes, cet article altéré ne peut pas avoir la même interprétation en raison de son amendement (Dr. Josué Pierre- Louis). Cette disposition constitutionnelle incorporée à partir de l’amendement comporte-t-elle des ambiguïtés qui brouillent son interprétation ? Quelle est sa raison d’être? Quel problème politique était-il venu résoudre ?

 

En effet, la rédaction de l’article 134-2 traitant le début du mandat du Président, n’est pas trop claire. Par exemple, n’étant pas une date précise et définie, le vocable « immédiatement » inséré dans le deuxième paragraphe de cet article, trouvait son contenu dans le pouvoir discrétionnaire de celui qui a l’initiative de décider (Dr Guerilus Fanfan). En effet, la rédaction d’une loi obéit non pas à l’élégance du style poli mais aux exigences de clarté et de précision. En ce sens, on serait en droit d’attendre un peu d’exigence en ce qui concerne notre texte amendé qui est avant tout un texte juridique dont la nature, la grammaire, la syntaxe, le langage obéissent à des prescriptions particulières. Toute ambiguïté de la loi relève du manquement du législateur. En Haïti, nos législateurs n’ont pas toujours été à la hauteur de leur responsabilité.

 

Cela dit, dans la mesure où l’amendement est créateur de nouveaux principes, l’article 134-2 altéré par l’amendement, ne peut avoir la même interprétation, a expliqué le Dr Josué Pierre-Louis. En effet, on ne crée pas la loi dans un vide factuel (Prof. Danielle Pinard, Université de Montréal). La loi vient toujours pour résoudre un problème. Cet article 134-2 était adopté pour résoudre le problème du temps présidentiel dû aux péripéties politiques de toutes sortes créées par la désinvolture de nos gouvernants. Cet article ne peut pas être compris sans une réflexion froide et calme sur les raisons pour lesquelles il a été pris. Un retour en arrière est nécessaire pour comprendre l’intention du législateur exprimée dans les travaux législatifs. Il nous faut interroger le passé puisque la réalité du droit est multiple. Donc, l’explication du droit est extérieure au droit. L’histoire du droit, tout comme celle de la constitution, est une création de notre temps. L’histoire est importante pour appréhender l’objet droit. La méconnaissance de l’histoire est un obstacle à la connaissance du droit et à la connaissance tout court.

 

À la fin du mandat du Président Michel Martelly, le 7 février 2016, l’Assemblée nationale ne s’était pas réuni de plein droit pour élire un président de la République. Il n’y avait pas de vacance présidentielle à la date du 7 février 2016. On avait une situation de fin de mandat du Président Michel Martelly. Le Sénateur Jocelerme Privert était arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’État parlementaire organisé par lui-même parce que la conjoncture politique à l’époque lui était favorable en qualité de Président du Sénat de la République. Suivant la démarche politique convenue à l’époque, une cohabitation politique entre l’ancienne opposition à Martelly et le PHTK avait permis à cet Exécutif d’exception ayant à sa tête Jocelerme Privert de passer une année au pouvoir, en violation de l’Accord politique du 5 février 2016  intervenu entre Martelly en fin de mandat et le Parlement haïtien. Le délai de cent vingt (120) jours qui lui était accordé, fut écoulé sans que les élections aient eu lieu. Son mauvais usage du temps empêchait au vainqueur des élections d’octobre 2016 de prendre fonction dans l’année des élections. Cette cohabitation en dehors de la souveraineté nationale, donc de la constitution (articles 58, 59 et 149 de la constitution) retardait la prise de position du vainqueur des présidentielles jusqu’au 7 février 2017. Car selon la lettre et l’esprit de la Constitution, le président Jovenel Moïse aurait dû prendre fonction immédiatement après la proclamation de ces élections conformément à l’article 134-2, compte tenu du retard accumulé dans le calendrier présidentiel. C’est le problème de calendrier présidentiel que l’article 134-2 était venu essentiellement résoudre. Le temps de Jocelerme Privert fut un contretemps, un temps illicite, non prévu par la Charte fondamentale. La prestation de serment du président élu Jovenel Moïse immédiatement après la validation du scrutin relevait en novembre 2016 de la souveraine appréciation du Président de l’époque, Jocelerme Privert. Ce dernier a mis à son profit la date hautement symbolique et constitutionnelle du 7 février 2017 pour passer le pouvoir au grand gagnant du processus électoral de 2016, a expliqué Me Guerilus. La Constitution ne saurait se conformer aux manœuvres illicites et déloyales de nos dirigeants.

 

Des faux pas dans l’application du temps constitutionnel

 

Il convient de rappeler cette année, plus précisément, le deuxième lundi de janvier 2020, il y a eu un deuxième groupe de sénateurs dont le mandat avait pris fin. Dix-huit (18) sénateurs ne peuvent pas voir leur mandat terminer en même temps. C’est impensable et inacceptable au point de vue constitutionnel. Car les constituants de 1987 avaient établi un mécanisme pour concilier deux principes de la Constitution : la durée du mandat des sénateurs qui est de six ans (art. 95) et le renouvellement du Sénat par tiers tous les deux ans (art. 95-3) (Mirlande Manigat, Traité de droit constitutionnel). Il est constitutionnellement incorrect de renouveler le Sénat par deux tiers. Sur quelle base juridiquement acceptable, et surtout conforme à la Constitution, qu’on avait décidé de renouveler le mandat de ces sénateurs ? Le décret électoral de 2015 hérité de la Loi électorale de 2013 n’a pas fait avancer le droit électoral haïtien. L’article 50-3 du décret électoral a été mal élaboré. On ne peut pas organiser une élection pour réaliser en même temps un renouvellement et une vacance. Comment départager et identifier le vote de l’électeur entre un renouvellement et une vacance dans une même élection ? Cet article est confus et ambigu. L’élite haïtienne ne réfléchit pas sur les choses complexes dans un monde de plus en plus complexe. Elle s’investit plutôt dans la facilité que dans la création. Et c’est la raison pour laquelle Haïti est dominée, méprisée et gangrenée par la magouille et la violence des groupes privés.

 

En ce qui concerne le renouvellement du Sénat, nous nous sommes inspirés de la formule du mi-mandat aux États-Unis, en ignorant la conception politique et philosophique à la base de cette logique. Aux États-Unis, la prérogative de faire combler une vacance au Sénat, revient au gouverneur de l’État qui avait élu ce sénateur. Suivant cette procédure, le gouverneur choisit un citoyen qui comble la vacance pour le reste du temps à parcourir. C’est une sorte d’élection au second degré, puisque le gouverneur est élu par le peuple. Si on ne comprend pas l’esprit américain, il sera difficile de le copier et accéder à son rêve. D’où la difficulté de ce calque juridique. La Constitution américaine est un objet légitime de fierté pour les citoyens américains, et il n’est pas superflu de rappeler qu’il s’agit de l’une des plus grandes œuvres que l’esprit humain ait jamais réalisée. Imiter est un exercice de l’Esprit. Depuis quelque temps l’esprit haïtien est en retard et frappé de caducité. Sans une renaissance politique et intellectuelle Haïti n’ira nulle part. Le consensus national sur la médiocrité, érigé en forteresse presque imprenable, est la seule œuvre que nous ayons réalisée au cours de ces décennies. Dans ces conditions, nous risquons de passer toujours à côté de la vérité que nous devons tous rechercher ensemble.

 

Le mandat présidentiel est de cinq ans

 

Selon l’article 90-1, l’élection du Député a lieu le dernier lundi d’octobre de la quatrième année de son mandat. L’année suivante commence la cinquième année du mandat présidentiel, au cours de laquelle l’élection présidentielle devra être organisée (art 134-2).

 

Le mandat du Président Jovenel a débuté le 7 février 2016 et prendra le 7 février 2021 conformément à l’article 284-2. Cet article fait coïncider deux faits : le temps présidentiel et le temps législatif. Autrement dit, la fin du mandat du Président Jovenel Moïse en 2021 se justifie par le fait que le calendrier des étapes de la procédure d’amendement constitutionnel prévu par la Constitution, fait coïncider la durée d’une législature de quatre (4) ans d’un mandat présidentiel de cinq (5) ans, ce qui amènerait douze (12) mois de délai de la fin de la législature et celle du mandat présidentiel. Ces deux faits (le temps présidentiel et le temps législatif) qui accompagnent l’amendement constitutionnel sont liés.

 

Cette question va au-delà d’une question arithmétique, à savoir : 16 + 5 = 21 ou 17 + 5 = 22. Le débat est beaucoup plus sérieux. Ceci nécessite une analyse en profondeur. Cette concomitance n’est pas toutefois absolue, précise la professeure de Droit constitutionnel, Mirlande Manigat, en raison du fait que les élections présidentielles ne sont pas toujours organisées aux dates prévues par la Constitution. C’est exactement ce qui est arrivé en octobre 2016, date à laquelle Jovenel Moïse a été proclamé vainqueur des présidentielles. Il aurait dû être installé à la date prévue mais la désinvolture et la cupidité – cette maladie dont est frappée la majorité de nos dirigeants – de Jocelerme Privert avaient retardé sa prise fonction jusqu’au 7 février 2017.

 

En clair, l’article 284-2 réconcilie, comme indiqué plus haut, le temps présidentiel et le temps législatif. L’année de la fin d’une législature commence la cinquième année du mandat présidentiel. Ce délai ne dépasse pas douze mois. La 50e législature avait pris fin le deuxième lundi de janvier 2020, à partir de cette date, il ne reste que douze mois à passer au pouvoir. On n’interprète pas une constitution par segment. Une constitution est un tout cohérent. Dans ce débat, tout le monde a son mot à dire et c’est la démocratie. Quand il s’agit de constitution – le droit du souverain -, tout le monde se sent autorisé pour en parler mais tout le monde n’est pas compétent pour en débattre.

 

Une faute partagée

 

Le président Jocelerme Privert aurait dû se souscrire au calendrier électoral. Car, il était appelé à gérer le temps, le concept infini (Heidegger), illimité, et indéterminé, ce don de Dieu (Thomas Mann) parce qu’il avait la maîtrise des actions et l’initiative politiques; ce qui est déterminant dans l’exercice de tout pouvoir. La responsabilité est globalement partagée entre le Conseil électoral provisoire, l’Exécutif et le Législatif. Il manquait à ces hommes qui assumaient le pouvoir dans les deux branches exécutive et

 

législative, le sens de l’État, la lucidité, le patriotisme, la compétence la haute responsabilité de l’État.

 

L’actuel Chef de l’État est victime d’une iniquité politique, comme ce fut le cas en deux occasions pour le Président Jean-Bertrand Aristide : en 1994 après avoir été renversé brutalement et inconstitutionnellement par l’armée et en 2004 à la suite d’un coup d’État international (Leslie Manigat). Il convient de rappeler qu’en 1994, à son retour, après trois ans d’exil forcé, le Président Aristide n’a pas repris l’exercice de son pouvoir là où il a été brutalement interrompu mais il n’a fait que terminer le reste de son mandat de cinq ans. Donc, il avait achevé un mandat dont une partie a été exercée par des régimes illégaux. En 2004, c’est le même cas de figure. Le président Alexandre Boniface avait achevé le mandat constitutionnel d’Aristide obtenu par suffrage universel. Dans les deux cas, l’affaire est illicite mais compréhensible sur le plan constitutionnel parce que la loi-mère nous met dans un corset chronologique dont il est difficile de sortir.

 

Il y a six mois de cela, le Président de la République était d’avis que le temps constitutionnel implique que neuf (9) sénateurs avaient perdu deux années de leur mandat. Le renvoi de ces derniers en janvier 2020 ne milite pas en faveur de la thèse du Président. C’est le même cas de figure : on ne peut pas avoir deux interprétations de la Constitution pour un même cas d’espèce. Qu’est-ce qui explique ce revirement de jurisprudence en moins de six mois ? Voudrait-il dire alors que l’acte posé en janvier dernier a été un acte de brigandage politique ? Le départ du Président le 7 février 2021, tout comme la fin du mandat d’un deuxième tiers du Sénat en janvier dernier, se rapportent au même fondement constitutionnel : le respect du temps constitutionnel. Pour modifier ce corset chronologique, il faut changer de constitution. En effet, si on organise les élections maintenant sous l’égide de cette constitution pour renouveler la Chambre des députés, les nouveaux députés élus perdront six mois de leur mandat. En Haïti, le renouvellement de la Chambre des députés se fait intégralement tous les quatre ans (art 92.3), le Sénat est permanent (95.1) mais se renouvelle par tiers tous les deux ans (95.2), celui du président tous les cinq ans (134.2). Notre problème n’est pas la Constitution mais notre rapport difficile à la loi et notre mauvaise planification du temps. Ces dérives sont dues à la mauvaise foi et aux magouilles de nos dirigeants, mais aussi au fait que les dispositions ont manqué de rigueur, ouvrant la voie à des interprétations divergentes.

 

Notre rapport à la loi est catastrophique et notre logique est celle de la violence. Du côté du Président, résoudre sa propre situation personnelle de cette manière nous placerait dans une logique de rapport de force, une sorte de raison d’État qui serait aussi préjudiciable à l’État de droit. Pourquoi le Président Jovenel Moïse prétend-t-il avoir plus de droits que les sénateurs dont il a constaté la fin de mandat le lundi 13 janvier 2020 ?, se demande mon camarade de promotion depuis le cycle primaire jusqu’aux études de doctorat en droit à l’Université du Québec à Montréal ?

 

Le principe de l’unicité de la règle de droit veut qu’elle soit en effet la même pour tous. Il est de même que le principe de l’égalité des haïtiens consacré par l’article 18 de la Constitution implique finalement que l’autorité soit elle-même soumise au respect de la loi, au même titre que le simple citoyen, ce qui met fin à l’absolutisme et aux privilèges des groupes dominants.

 

Trouvons une solution nationale et négociée !

 

En conclusion, deux choses sont maintenant à prévoir: le Président Moïse partira ou ne partira pas le 7 février 2021. Ça dépendra de la réalité des forces en présence et de l’évolution de la situation sur le plan interne. Ceci est aussi – malheureusement – tributaire de la direction où se tourneront les yeux de la communauté internationale. Cette communauté internationale peut-elle rentrer dans un jeu, dans une aventure sans lendemain ? Ni une organisation internationale, ni une puissance étrangère ne peut argumenter ou interpréter une disposition constitutionnelle dans un pays souverain. C’est l’indécence de leur part et de l’aliénation de notre côté de l’accepter passivement. Nous devons défendre l’intérêt national, l’étranger profite toujours de notre incapacité pour nous rappeler notre déshonneur à jamais. Même si la position de l’OEA conforte celle du Palais national, le Président de la République aurait dû rappeler au Secrétaire général de cette organisation qu’il ne peut pas parler à notre place, car il s’agit quand même d’un problème constitutionnel posé dans un pays souverain. La prochaine fois, interviendra-t-il pour modifier la Constitution ?

 

Il est à rappeler que sont intelligents uniquement les dirigeants qui ont pris conscience de l’Esprit de leur peuple et qui se conforment à lui. Ce sont alors les grands hommes de ce peuple qui le conduisent, selon l’Esprit général, disait Hegel.

 

La Constitution accorde au Chef de l’État le droit de dire le dernier mot (art. 136 de la Constitution). Le Président Jovenel Moïse doit faire prévaloir sa position pour organiser sa sortie du pouvoir de manière honorable, pacifique et consensuelle, au temps fixé par la Constitution, soit le 7 février 2021.

 

En dépit des péripéties politiques ou des complots contre la démocratie, cette date marquera la fin d’un événement, d’une aventure qui avait commencé le 7 février 2016. Le temps est « infini et continu », selon la logique kantienne. Toute la durée déterminée du temps n’est possible par les limitations d’un temps unique à chaque événement. Le calendrier présidentiel indique que tous les cinq ans, on doit avoir un Président en Haïti, peu importe la date de prise de fonction de celui-ci. C’est pour répondre à cette réalité, aux péripéties politiques générées par notre inaction ou par notre choix calculé que l’article 134-2 amendé a été conçu.

 

Dans la démocratie, il y a aussi la théorie du complot et de l’arbitraire. Ce à quoi le Président Jovenel Moïse, fraîchement élu, était brutalement victime, en raison de son manque de maîtrise des affaires de l’État. La politique en Haïti, c’est l’art de réaliser des coups fourrés. Être politicien chez nous, c’est être capable de magouiller et de réaliser des coups bas à vos adversaires ou rivaux en politique. Ces magouilleurs professionnels, ces mangeurs de lois et de constitutions ont trop dominé notre quotidien. Le temps est venu de faire, concevoir et dire la politique autrement (prof. Leslie F. Manigat)

 

À qui revient donc la faute ? À l’équipe du Président Jovenel Moïse qui s’est révélée totalement inapte en ce qui concerne la planification du temps. Rappelons pour l’histoire qu’en 2008, selon une entente politique intervenue entre le Président René Préval – ce grand madré de la politique traditionnelle – et le parlement de l’époque, une loi électorale a été votée par le Parlement, le 9 juillet 2008. En mai 2010, le parlement a adopté une loi portant amendement de cette loi électorale dans laquelle il était très clairement permis au Président Préval de proroger son mandat jusqu’au 14 mai 2011. Le Président Jovenel Moïse, face à l’échéance du 7 février 2021, est dos au mur à cause du manque de maîtrise de son entourage immédiat des questions juridiques, constitutionnelles et politiques.

 

La faute revient aussi à Jocelerme Privert parce qu’il avait l’initiative des actions politiques : il était le maître du temps à l’époque. On ne peut trouver à Jovenel Moïse une circonstance atténuante qu’à travers un accord politique global sur des questions d’intérêt national afin de déterminer de manière consensuelle la chronologie des actions à venir. Compte tenu des expériences du passé, notamment des initiatives non abouties, le consensus qui n’est pas impossible, sera extrêmement difficile à trouver. En cas de refus national des forces politiques, sociales et morales du pays de se rallier à une démarche consensuelle de dernière chance, l’actuel détenteur du Pouvoir exécutif doit remettre le pouvoir le 7 février 2021, conformément au temps présidentiel établi par la Constitution. Le Président de la République doit assurer le salut de l’État et non se soucier d’une péripétie électorale et politique devenue coutumière dans notre histoire politique à cause de notre mauvais usage du temps. Dans le vide de l’action patriotique, ma génération, – donc la jeunesse – ramassera le drapeau.

 

 

 

 

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